dimanche 20 mars 2011

Kédougou

Ce n'est que le lendemain, après 12 heures de voyage, que nous atteignons destination finale. Aux confins du Sénégal, Kedougou marque la limite des invasions modernes. C'est le poste le plus avancé de l'empire du bitume. Au delà, vers la Guinée et vers le Mali, les chemins sont encore sauvages. Kedougou n'est pas à proprement parler une destination touristique, cependant, à cause de son éloignement de la civilisation, il reçoit régulièrement des visiteurs lointain en quête d'"authentique". Parmi eux, il y a des américains et des européens plutôt aisés, mais il y a aussi des Sénégalais nés à Dakar qui ne connaissent pas cette région de leur pays. Les blancs espèrent trouver ici un endroit où l'on n'est pas joignable par téléphone cellulaire, ou l'on est plus à la merci d'un email. Nous prenons une chambre dans un joli hôtel tenu par un couple de Francais. Le "Relais de Kedougou" est une reconstitution d'un village africain. Chaque client reçoit les clés d'une case construite suivant les techniques des différents peuples locaux. Bâti sur une hauteur, l'hôtel domine les eaux paisibles du Gambie. Nous posons nos valises et rangeons nous affaires dans l'armoire avec un certain soulagement.

Coucou
Vue sur la brousse depuis notre hôtel
Femme au travail au bas de notre hôtel

Je prends une douche revigorante avant de me promener dans l'enceinte. Il semble que nous soyons les seuls touristes, personne ne paresse au bord de la piscine. Déjà, le jour décline. Les passeurs du bac en contrebas rentrent chez eux. De l'autre côté du fleuve, la savane se recouvre d'un tapis de brume tandis qu'au sol, les ombres s'allongent démesurément. L'eau s'embrase des lueurs aurifères du soleil mourant. Pour diner, nous avons pris place sous la paillotte du restaurant. Je prends une gorgée de bière. A 7 heures du soir, la nuit tombe comme un coup de couteau. Les oiseaux se sont tus. Dans l'air tiède, les grillons poursuivent leur chants. Tout est si paisible. On nous sert un délicieux ragout de phacochère. Pendant que je me berce d'une volupté toute coloniale, Cristina, en face de moi, semble perdue dans ses pensées. De longs silences s'invitent à notre table. Au dessert, arrivent papayes, goyaves et mangues. Le serveur, très élégant, nous explique que les chasseurs reviendront tard dans la nuit et que c'est pour cette raison que tout est si tranquille.

Le lendemain, le soleil se lève à sept heures précises. Au marché, nous reniflons l'odeur des différentes épices, nous admirons le chatoiement des femmes. Cristina prend plaisir à négocier les prix au plus juste. A l'odeur de nos culs blancs, deux où trois types s'approchent et nous prient de visiter leur boutique, ils se proposent d'être nos guides. La manière la moins pénible pour se débarrasser des quémandeurs est à la fois simple et peu glorieuse : il suffit de les ignorer.

Coucou
Lessive sur un gué du fleuve
Jeune fille réalisant des tresses à sa soeur dans un village proche de Kedougou

Ensuite, Cristina me présente un ami rencontré dans un précédent voyage. Il tient un atelier de mécanique au centre du village. Au moment ou nous l'apercevons, il est installé derrière son ordinateur portable et furette sur internet. Il nous invite à nous asseoir sur des bidons d'huile pour discuter. Il nous raconte son histoire. Quelques années auparavant, il vivait à Barcelone et travaillait dans une grande entreprise de logistique. Il avait un poste tranquille, mais il se posait des questions. Il s'ennuyait. Alors, il a brusquement détourné le cours de sa vie. A quarante ans, sans véritable plan à long terme, il a quitté l'Europe. En voyageant, il y a rencontré une femme et lui a fait des enfants. Et voilà ! Depuis, il s'est mis à l'heure africaine.

Il est différents de tous les occidentaux que nous avons rencontrés jusqu'à présent. Car si, comme tout le monde, il s'est d'abord extasié sur "l'authenticité" d'une vie plus proche de la nature, aujourd'hui, il semble pleinement intégré. Il porte sur son quotidien avec un regard ni trop idéalisé, ni trop désillusioné. Il est vraiment dans cette économie bric-broc. Tous les jours, même le dimanche, il se lève et se rend à sa boutique pour attendre le chaland. Seuls quelques indices montrent qu'il n'est pas d'ici : il est en effet très sensible au bon fonctionnement de sa connexion internet : elle lui permet de garder le contact avec son univers précédent. En tous les cas, ses conseils sont précieux pour nous. Il nous recommande un guide pour visiter les alentours.

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